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Pierre Yves Couilleau

Procureur Général

« Je crois à la deuxième chance. J’ai envie de dire aux gens, oui c’est difficile, oui nous vivons dans un monde complexe, oui il y a des pesanteurs, mais tu portes en toi, tu portes en toi, cherche-la, une flamme qui t’indiquera la sortie. »

Yves Parlier

Le Pompon – Épisode 92

Ils sont 36 en France à être au coeur de la réponse pénale d’une société face aux auteurs d’infraction, ce sont les Procureurs généraux de la République.

Pour ce nouvel épisode j’ai le plaisir de recevoir Pierre Yves Couilleau, procureur général près de la cour d’appel de Bordeaux.

Pierre Yves a compris assez tôt dans ses études le chemin qu’il voulait tracer. Dans cet épisode on parle du rôle de la justice, des reproches qu’on peut lui faire, à tord ou à raison, de seconde chance, des crimes qui l’ont marqué, du rôle d’un procureur général de Montesqieu et de la suprématie du moi. 

J’ai eu un seconde chance. La seconde chance c’est très important je crois dans la vie.

Il grandit à Cazaux et on peut dire que son parcours scolaire a été pour le moins chaotique. Il décroche dès la 6e et décroit petit à petit. Un vrai gamin rebelle comme il le dit, qui passait plus de temps à l’introspection qu’à l’étude ! 

Et c’est grâce à la seconde chance dont il a pu bénéficier qu’il a pu se relever. L’art oratoire y est en partie responsable : depuis tout petit il faisait du théâtre (l’envie déjà de monter sur des planches) et c’est lors d’un concours d’éloquence remporté qu’il reprend confiance en lui. D’où l’importance de faire découvrir un maximum d’activités aux collégien.ne.s et lycéen.ne.s ! 

J’exerce le métier que j’ai voulu exercer, c’est une grande chance dans la vie.

Il s’engage après le lycée à la fac de droit puis intègrera quelques années plus tard l’ENM, la réputée École Nationale de la Magistrature de Bordeaux. Dès la deuxième année de ses études il veut devenir magistrat, plus précisément magistrat du parquet. Il est attiré par le droit pénal dès le début. Alors forcément, n’y connaissant rien, je lui demande de nous expliquer à quoi sert un magistrat, ce qu’il fait, comment fonctionne la magistrature… et il nous explique tout ! 

Simplifiée pour l’interview, l’explication de la magistrature est la suivante : elle est composée de deux catégories : les magistrats du siège (les juges) et ceux du parquet (les procureurs). 

Le Procureur Général est au coeur de la réponse pénale d’une société aux auteurs d’infraction.

Ce sont deux mots qui en imposent : procureur général. Mais que fait-il ? (ou elle d’ailleurs, puisqu’il y a de plus en plus de procureur générale !). 

Le procureur général est un peu le patron de l’enquête judiciaire et traite trois niveaux d’infraction : les crimes, les délits et les contraventions. Il donne une réponse à ces infractions et peut décider de poursuivre devant les tribunaux ces auteurs puis demander une sanction. Il est aussi évidemment en lien quotidien avec les gendarmes et policiers sur le terrain, qui sont les premiers à faire face aux infractions. 

Oui des horreurs j’en ai vu toute ma vie, et pour autant ça ne me fait pas désespérer de l’humain.

Cela m’a questionné forcément : comment fait-on, quand on est constamment face à la violence humaine, pour encore avoir foi en l’humain ? 

Et ses réponses sont intéressantes. A la fois il a un peu l’obligation de se blinder, comme des médecins, face à ce qui peut arriver de pire, et il a toujours cette notion de seconde chance qu’il porte en lui. Pour Pierre Yves, nous sommes tous à égalité face aux difficultés de la vie, et des accidents de la vie peuvent nous conduire à commettre des erreurs irréparables. Donc oui, il garde foi en l’humain, en sa capacité à changer, à devenir meilleur. 

Il nous raconte aussi certaines histoires de crimes qui l’ont marqué. Forcément après 40 ans dans la magistrature, il en a vu quelques uns. L’évolution de la délinquance aussi est un sujet que l’on aborde. Il y a eu une explosion de la délinquance liée aux stupéfiants ces dernières années et une banalisation du trafic.

Je suis un être passionné, de mission et j’ai toujours eu à coeur d’essayer, j’ai parfois réussi, j’ai naturellement, fréquemment échoué.

La passion, la passion d’un métier et d’un milieu qui est souvent critiqué. Justement, on aborde ce sujet, celui de la justice : parfois trop lente, parfois trop expéditive, commet fait-on pour faire évoluer cette justice ? 

Il cite Montesqieu : “Il faut encore que la Justice soit prompt, souvent l’injustice n’est pas dans les jugements, elle est dans les délais. Souvent l’examen fait plus de tord qu’une décision contraire.“

Pierre Yves porte haut et fort son envie d’accélérer, de rendre la justice plus prompte, pas expéditive, prompte. Il veut aussi que l’image qui est attribuée à la justice évolue vers plus de confiance, vaste chantier si important !

Je suis effaré par le fait que pour nombre d’entre nous, l’alpha et l’oméga de tout, c’est le moi. Il me semblerait utile que nous revenions un peu à du nous.

C’est aussi cette culture du moi, cette culture de l’individu qui doit briller devant sa communauté, quoi qu’il en coute, qu’il remet en question. Comme passer du moi au nous, au faire ensemble et à l’importance d’avancer ensemble. 

Il reste persuadé que la majorité d’entre nous porte quelque chose en soi. Qu’en voulant y arriver, qu’en croyant en sa capacité à faire de grandes choses et en s’accrochant, on peut s’en sortir. 

S’ils mettaient autant d’intelligence à leur réussite sociale, qu’à faire conneries, ce serait des champions. j’en suis persuadé ! Car ce qu’ils portaient en eux, c’était une réussite personnelle. 

Vaste sujet que la réussite ! Qu’est ce que réussir dans le fond ? Je crois qu’il existe autant de définitions de la réussite que d’humain sur cette planète… presque autant !

C’est un épisode passionnant sur le rôle de Pierre Yves et sa posture, sur la justice et les profils des personnes qui commettent des infractions, notamment des crimes. Un éclaircissement sur un utile système que l’on ne connait peu ! 

Une pensée amicale pour Christine Maze, reçue sur le Pompon, qui m’a suggéré cette rencontre ! 

Je vous souhaite à toutes et à tous une très belle écoute !  

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