Pierre Hurmic
Maire de Bordeaux
« Notre écologie, ce n’est pas de l’écologie punitive. Celle-ci, ce sera celle de demain si on ne fait rien aujourd’hui. »
Le Pompon – Épisode 128
Bordelais tous les jours et basque pour toujours, Pierre Hurmic est originaire de Saint-Palais dans le Pays Basque. C’est par hasard qu’il est venu à Bordeaux pour y faire ses études, et qu’il y est resté, très attaché à cette ville !
L’idée de défendre me plaisait bien
Après plusieurs années passées en pension complète à Bayonne au collège et lycée, des années que Pierre vit comme une incarcération, il décide d’aller faire ses études à Bordeaux.
C’est le métier d’avocat qui le fascine depuis son plus jeune âge. L’idée de défendre, avec ce mélange d’interdiction et de soin derrière ce mot défendre, lui plait tout petit et continue de le passionner encore aujourd’hui.
Ce sera donc des études de droit et de sciences politiques à l’Université de Bordeaux avec en parallèle une activité formatrice et utile pour gagner sa vie : il travaille pour l’hebdomadaire “La vie de Bordeaux”.
J’avais deux passions quand j’étais enfant : le métier d’avocat et la politique
Déjà la politique oui ! Dès ses 11-12 ans il lit Le Monde et peut-être par opposition à son père qui déteste cela, il s’intéresse de près à la politique.
C’est aussi grâce à l’un de ses professeur à l’université qu’il met un premier pied dedans : Jacques Ellul. Cet historien du droit, sociologue et théologien protestant, inspirera Pierre pendant de longues années. Lui qui déconseillait de faire de la politique car il en avait été dégouté, était en revanche déjà convaincu de l’importance de l’écologie, et ce dès les années 1979-1980.
Pierre devient alors un “disciple indiscipliné” de Jacques Ellul, puisqu’il s’engage en politique en 1990 et conservera toujours de fortes valeurs écologiques.
J’ai toujours été quelqu’un d’engagé
Son engagement, il le trouve d’abord dans son métier d’avocat. En 1984 il ouvre son cabinet et s’engage assez tôt au syndicat des avocats de France. Un métier passionnant qui lui amène une ouverture sur le monde, des rencontres de personnes qu’il n’aurait sûrement jamais rencontré autrement, une belle école de la vie !
On aborde d’ailleurs la place de la justice dans la Cité, un thème que j’avais abordé avec la bâtonnière actuelle du barreau de Bordeaux reçue sur le Pompon, Christine Maze. Lui qui a connu l’avocat des Khmers Rouges (qui a défendu l’indéfendable), me parle de la place prise par l’avocat.
Et c’est bien son métier qui va lui mettre le pied à l’étrier politique puisqu’en 1989 il a comme client un certaine Noël Mamère, maire de Bègles à l’époque !
Je suis attaché à mon indépendance, j’avais du mal à franchir le pas d’une adhésion politique
L’alignement des astres est total : l’indépendance financière avec son cabinet qui fonctionnait correctement, l’envie d’aller en politique et donc cette proposition de Noël Mamère de rédiger les statuts du parti nouvellement créé : Génération Écologie.
C’est en 1992 qu’il est élu pour la première fois : il devient conseiller régional écologiste.
Puis en 1995, il se présente à la mairie de Bordeaux avec la liste “Bordeaux Grandeur Nature”, une étiquette associative qui lui convient bien. Malgré son attachement à son indépendance, il rejoint les Verts en 1998, car il est difficile de se présenter à une élection sans le soutien d’un parti. C’est d’ailleurs Jacques Ellul qui disait : “un homme de parti est une partie d’homme”.
J’étais déterminé, je ne voulais pas lâcher. Je me suis dit « un jour il y aura un bon alignement des planètes »
Car oui, s’il y a bien un trait de caractère important chez Pierre, c’est sa détermination. Il a été 25 ans dans l’opposition à Bordeaux. Et à chaque élection entre 1995 et 2020, il s’est présenté avec l’envie de devenir maire de Bordeaux et se disait après chaque défaite : “les soir de défaite sont des veilles de victoire”.
C’est en optimiste convaincu que pendant 25 ans il fait campagne. Il dit de lui qu’il est têtu comme un basque mais est certain que les gens vont comprendre l’importance de l’écologie et qu’un jour, ce sera son tour.
Ah c’est une joie que vous n’imaginez pas, et une joie partagée !
En juin 2019 il lance une liste et obtient le soutien de divers partis, d’abord les partis écologistes puis les partis de gauche. Il sait que sans le collectif, il ne pourrait pas y arriver.
Au premier tour de l’élection municipale de 2020, c’est la première fois en depuis les années Chaban-Delmas qu’il y a un second tour : Pierre Hurmic est second, juste derrière Nicolas Florian.
Il me raconte dans l’épisode toute cette campagne municipale, l’espoir et la réserve face à la possibilité de devenir maire. La soirée de l’élection est d’ailleurs digne d’un film avec à 20h, un écart de 6 points dans les sondages qui donnent Nicolas Florian vainqueur.
Mais c’est bien Pierre Hurmic qui remporte l’élection, à 1850 voix près. Une première à Bordeaux, après 73 années de droite, et dans beaucoup d’autres villes en France.
J’ai été élu pour faire de Bordeaux une ville qui soit capable de répondre aux défis contemporains parmi lequel les enjeux climatiques de demain
Une surprise pour beaucoup, même pour lui qui avait préparé uniquement un discours de défaite, mais il montre dès ses premières mesures son envie de rendre Bordeaux prête face aux enjeux climatiques. L’une des premières mesures étant de décréter l’urgence climatique.
Il me raconte ses débuts en tant que maire et tout ce qu’il découvre. Car en étant dans l’opposition, il ne se rendait pas forcément compte de tout ce qu’impliquait le travail du maire. Les premières semaines et mois ont été difficiles puisque tous ses faits et gestes ont été épiés avec notamment un procès en légitimité, mais Pierre sait s’entourer et tenir le cap qu’il s’est fixé.
On parle d’ailleurs de communication et de l’importance qu’elle a pu avoir, dans un sens comme dans l’autre, dans ses débuts en tant que maire.
Quand on fait de la politique, on a envie de rendre les gens heureux
C’est avec cette envie qu’il est quasiment 365 jours par an à Bordeaux. Être, comme il le dit, un maire du quotidien et celui du lendemain. C’est donner du temps, être à l’écoute des reproches et des compliments, s’intéresser aux gens, vouloir qu’ils se plaisent à Bordeaux et surtout, les aimer !
Notre écologie, ce n’est pas de l’écologie punitive. Celle-ci ce sera celle de demain si on ne fait rien aujourd’hui
Il revient dans cet épisode sur les moments marquants de ces trois dernières années et comment il souhaite, petit à petit, faire évoluer la ville pour qu’elle soit moins polluée, et plus agréable à vivre.
On aborde notamment le choix des voies sur les boulevards, la place du vélo dans la ville, de l’arbre de Noël. Car pour Pierre et son équipe, ils préfèrent la sobriété à l’austérité, celle qui nous attend demain si rien n’est fait.
J’ai la conviction que la meilleure façon de gagner les élections nationales un jour est de réussir nos paris municipaux
J’avais abordé ce sujet avec Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers reçue sur le Pompon, de la place de l’écologie au niveau local et national. Car le dérèglement climatique est l’un des principaux enjeux de demain pour les français.
Pour Pierre, c’est dans la contribution municipale que nous arriverons à faire changer les choses à grande échelle. Elle sera l’élan vers le national.
On parle justement dans cet épisode d’éco-anxiété et de comment il est possible de la combattre (attention spoiler : par l’engagement !).
Le monde de demain sera celui qu’on construit tous ensemble !
Derrière le terme “ensemble” il y a aussi une fracture entre la politique et la population qui est à reconstruire. Pour mon invité, trop de projets sont ancrés dans les années 80-90 (il prend l’exemple de la LGV dans le Sud-Ouest) et c’est un trop gros décalage avec les attentes et enjeux d’aujourd’hui.
Il trouve donc normal que la jeunesse puisse se révolter face à l’inaction de certains (le gouvernement a d’ailleurs été jugé coupable d’inaction par la justice à plusieurs reprises) et il partage son envie, comme d’autres, de faire changer les choses.
Je conçois la politique comme un art. L’abbée Pierrre dit : la politique c’est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire
En fin d’épisode on parle de littérature, une activité malheureusement réduite depuis qu’il est maire. Il lit forcément plus les journaux que des livres de Montaigne ou Boris Cyrulnik qu’il a cité dans certains de ses discours.
C’est sur la passion et la détermination que nous terminons l’épisodes, lui qui, après y avoir cru pendant 25 ans est devenu maire de Bordeaux, continuera à s’engager tant que la lumière de la passion sera allumée !
Un très bel épisode enregistré avec Pierre Hurmic, qui permet, je crois, de mieux cerner le maire de Bordeaux.
Je vous souhaite à toutes et à tous une très belle écoute !
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