Catherine Marnas
Menteuse en scène – Directrice du TNBA
« Le jour où on va mourir on va se dire : j’ai fait quoi ? Qu’est ce que j’ai fait de ma vie que j’ai aimé ? »
Le Pompon – Épisode 127
Catherine vient d’un univers social qu’elle définit de petite paysannerie avec ses grands-parents paysans. Elle qui est l’aînée de la famille, a toujours été mise au défi, direct ou indirect, d’être la première.
Il y a eu un gros accident de parcours si on peut dire…
C’est d’abord vers le métier d’institutrice qu’elle a voulu se diriger étant enfant. La langue l’a toujours passionné grâce notamment à la lecture et son amour pour la grammaire !
Cette voie était royale et socialement acceptable pour sa famille et son entourage. Et puis l’incident de parcours est vite arrivé… A ses 12 ans, elle passe au tableau croyant être face à des inspecteurs de l’éducation nationale, qui s’avèrent être des metteurs en scène à la recherche de jeunes comédiens.
Ce sera son premier pas dans l’univers du théâtre, univers qu’elle ne quittera jamais.
A l’université je ne disais pas que je faisais du théâtre, et au théâtre je ne disais pas que j’étais à l’université
Sur le fil pendant quelques années oui. Pas forcément bien vu par sa famille de faire du théâtre “pas un métier pour toi, pour nous”, elle poursuit en parallèle ses études (deux licences puis un DEA) et le théâtre pour qui elle s’est prise de passion.
Tellement passionnée pour le théâtre qu’elle décide de faire sa thèse sur Antoine Vitez, un acteur, metteur en scène et poète, un personnage central et influent du théâtre français du XXe siècle, pour rejoindre les deux univers. Elle apprendra le métier à ses côtés, en devenant assistante du metteur en scène.
Il y a un entêtement quand il y a un but qui est tellement clair !
Et son but est clair : devenir metteuse en scène. Utiliser les textes pour les faire vivre grâce à un groupe. Catherine était persuadée qu’elle allait en faire son métier, malgré les remarques lui indiquant le contraire.
A cette époque, aucune école pour devenir metteur en scène n’existait : alors c’est sur le terrain, aux côtés d’Antoine puis de Georges Lavaudant qu’elle apprend le métier et décide de créer sa propre compagnie. C’est auprès de modèles masculins qu’elle s’inspire, car à cette époque, très peu de femmes montent des compagnies.
Elle m’explique dans l’épisode le rôle du metteur en scène : choisir la pièce, les comédiens, le décor, le son, la lumière… penser à tout pour créer un spectacle de qualité, à l’image de celui ou celle qui le met en scène.
J’ai eu beaucoup de chances, je me suis beaucoup battue aussi
La chance se provoque et Catherine en est la preuve. Sa compagnie s’est beaucoup développée au fil des années, à force de persévérance et de rencontres. Elle me raconte sa rencontre avec Pierre-André Reiso du théâtre de la Scène Nationale de Gap, où Catherine a tourné pendant 20 ans avec sa compagnie, et les années passées à développer le théâtre sur Gap et ses environs.
J’ai toujours eu envie que le théâtre soit partagé par le plus grand nombre
Partagé par le plus grand nombre en France et à l’étranger. A plusieurs reprises Catherine est partie en Colombie, au Mexique ou encore en Chine, pour développer des pièces avec les comédiennes et comédiens locaux, contrairement à la “norme” qui est de se déplacer avec sa propre troupe. Une façon de procéder inhabituelle et à la fois enthousiasmante et exigeante.
C’est dans cette optique de partage que Catherine arrive en 2014 à la tête du TNBA, le Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine et de son école, l’éstba. C’est justement l’école qui l’a attiré ici : transmettre aux plus jeunes sa passion pour que demain ils et elles puissent vivre sur les planches des émotions inégalables.
Ce qui fait tenir, c’est le spectacle
Le TNBA fait parti de ces 37 Centres Dramatiques Nationaux (CDN), créés par le Conseil National de la Résistance avec comme rêve de rendre le théâtre accessible à tous.
Ces CDN ont la particularité d’être gérés par des artistes et seulement 5 ou 6 d’entre eux ont une école adossée au théâtre. Le meilleur moyen d’après Catherine, d’avoir les futurs acteurs au plus près de la scène. Elle qui rendra le gouvernail à la fin de l’année après 10 ans comme directrice, est assez contente du chemin parcouru et aussi contente d’arrêter cette aventure éprouvante.
Le temps, le temps ! Ça c’est précieux
Catherine me partage avec beaucoup de poésie justement ce que cela lui fait de passer la main (à un binôme de femmes !). Elle va enfin pouvoir regarder les feuilles bouger, lire ce qu’elle veut sans avoir à lire “utile” dans le cadre de ses pièces. Car être directrice d’un théâtre et d’une école, cela demande une peu d’énergie !
Elle me raconte aussi ses débuts au théâtre et l’accueil un peu froid du public bordelais, qui s’est bien renouvelé depuis !
Évidemment l’art est essentiel ! Il n’y a pas de civilisation sans art et sans culture
Forcément j’aborde avec elle la Covid et cette période où les théâtres ont fermés, puis ont été considérés comme non essentiels. Une vraie période angoissante pour elle et les personnes du milieu.
Et ces angoisses, elle y fait face grâce aux pièces de théâtre. Une manière de s’évader d’un quotidien, du moins d’une actualité, parfois dure à suivre.
Je suis souvent en colère parce que j’ai l’impression que ce ne serait pas si compliqué de vivre mieux, et les choses qui font déraper sont des stupidités
En 2019, Catherine est promue Chevalière de la Légion d’Honneur avec comme motif : son action pour la démocratisation culturelle. Une belle reconnaissance pour elle qui a toujours voulu rendre accessible le théâtre. Même si elle ne sait toujours pas qui a proposé son nom !
Elle me partage ses engagements, ses combats : notamment celui pour que les femmes soient mieux représentées dans son métier et au-delà. C’est l’un de ses plus grands combats, celui de l’égalité entre les sexes. Il suffit pour elle (et nous tous) d’ouvrir le journal pour se rendre compte que les femmes sont beaucoup moins présentes. Catherine se bat contre cela.
J’ai envie de leur dire que la vie est très courte, très très courte.
Je lui ai demandé ce qu’elle avait envie de partager aux jeunes qui s’engagent dans la voie théâtrale. Elle revient à cette passion et le fait de tout pousser pour y arriver, puis se dire que si cela ne fonctionne pas, que l’expérience aura été belle.
C’est la passion qui l’a poussé à faire cette carrière, et devenir un modèle pour beaucoup.
Le jour où on va mourir on va se dire : j’ai fait quoi ? Qu’est ce que j’ai fait de ma vie que j’ai aimé ?
Elle qui a failli mourir il y a 6 ans, suite à une maladie non détectée par les médecins, s’est rendue compte qu’elle avait fait ce qu’elle avait eu envie de faire, qu’elle a aimé plein de gens, et croit que certains l’ont aimé aussi.
Et pour continuer d’écrire un peu plus son nom dans les personnalités du théâtre français, Catherine terminera ses 10 années au TNBA avec la pièce Le Rouge et le Noir de Stendhal, à découvrir du 7 au 17 novembre.
Sur la fin de l’épisode, on parle de prise de recul sur le monde, de toutes les belles expériences qui existent et de la chenille qui se transforme en papillon !
Un épisode enregistrée avec une passionnée poétique qui fait énormément de bien.
À écouter sur
Partager cet épisode
Le Pompon, c’est aussi :
Épisode 119 – Nicolas Thyebaut
Cofondateur de la marque engagée et éco-responsable Nomads Surfing, Nicolas Thyebaut est au micro du Pompon !
Épisode 118 – Jean Luc Rocha
Jean Luc Rocha, chef doublement étoilé et Meilleur Ouvrier de France (MOF) en 2007, est au micro du Pompon !
Épisode 117 – Florence Lafragette
Florence Lafragette, présidente et directrice artistique de la Maison Pétrusse, est sur le podcast le Pompon !